Triduum de la béatification : samedi 17 mai | Messe de béatification

Revivez la messe de béatification qui a eu lieu à la cathédrale de Chambéry, sur le parvis et au Bocage ! 

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Homélie de Monseigneur Verny

Frères et sœurs,

Si je vous dis : « Il était une fois », tout de suite vous pensez à un conte de fées, à une histoire hors du temps, dans un lieu imaginaire.

Bien au contraire, l’évangile de cet après-midi commence par « en ce temps-là ». Ainsi cet évangile n’est pas hors du temps mais se situe dans un moment précis, et même dans un lieu précis. La Parole de Dieu s’incarne dans notre histoire concrète.

L’évangile que nous venons d’entendre se situe à un tournant crucial de la vie de Jésus juste après la profession de foi de Pierre à Césarée de Philippe. Jésus y a annoncé sa passion. Et juste avant l’extrait de l’évangile que nous venons d’entendre, Jésus enseigne ses disciples en leur disant : « le Fils de l’homme est livré aux mains des hommes, ils le tueront et trois jours après sa mort, il ressuscitera. »

Par cet évangile, nous voici au cœur du mystère de la foi : c’est sur la croix, quand il est le plus vulnérable, que Jésus se révèle notre sauveur. Étrange paradoxe : c’est dans la vulnérabilité que se manifeste la toute-puissance divine.

D’ailleurs, dans l’évangile selon saint Marc, c’est quand le centurion Romain voit Jésus sur la croix qu’il s’exclame : « Vraiment cet homme est le Fils de Dieu ! » Ce n’est pas devant les miracles qu’il reconnaît la véritable identité de Jésus, mais devant sa vulnérabilité acceptée.

Et cet après-midi, dans l’enseignement à ses disciples, Jésus enfonce le clou en plaçant un enfant au milieu d’eux et en leur disant : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qui l’accueille ». Ainsi Jésus s’identifie à un enfant qui était considéré à l’époque comme quantité négligeable. Jésus place au centre celui qui est vulnérable et méprisé, et en plus il s’identifie à lui. « Ce que vous avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait. »

Frères et sœurs, cette parole renverse l’échelle des valeurs de notre monde. Dans une société qui valorise la force et la réussite, Jésus nous invite à découvrir sa présence dans les plus petits. Le chemin vers la vraie grandeur passe par le service humble.

Cette page d’évangile n’est pas venue comme un conte de fées résonner dans le cœur de Camille Costa de Beauregard, mais comme une invitation concrète à imiter Jésus. Il l’a accueillie comme un appel personnel.

Dans cette cathédrale, Camille a fait la rencontre personnelle avec Jésus et il s’est converti derrière un pilier raconte-t-il. Cette rencontre a transformé sa vie. Jésus n’a pas été pour lui une figure lointaine, mais une présence vivante qui l’a saisi au plus profond.

Par la suite, Camille a fait le choix radical du sacerdoce. Et non loin d’ici, en voyant les enfants orphelins de l’épidémie de choléra, il a reconnu en eux un visage de Jésus. Dans ces enfants abandonnés, il a contemplé Jésus qui l’appelait à se faire proche.

À travers sa biographie, nous saisissons que Camille a laissé l’amour, la charité de Jésus rayonner autour de lui et toucher les cœurs, en particulier en Savoie. Camille n’a pas gardé pour lui le trésor de la foi, mais il l’a partagé sans compter. Sa vie est devenue un évangile vivant, manifestation de l’amour de Jésus pour les plus petits.

Et pourtant, Camille n’était pas un extraterrestre. Il s’est simplement laissé toucher et façonner par le Seigneur. « Ma grâce te suffit car ma puissance se déploie dans la faiblesse. » Jour après jour, dans les petites et grandes choses, Camille a laissé le Seigneur déteindre sur lui. Il s’est laissé aimer par Jésus pour à son tour aimer de la même charité.

On imagine les trésors de patience qu’a dû faire preuve Camille dans son œuvre d’éducation. On imagine l’opiniâtreté de Camille face aux obstacles. Mais ne nous y trompons pas, sa sainteté n’est pas le fruit d’efforts surhumains, mais d’une fidélité quotidienne à l’Évangile. Camille nous montre que la sainteté est accessible à tous, qu’elle consiste à laisser Dieu agir en nous et à travers nous.

A travers ce qu’il était, à travers son œuvre, Camille a ouvert un chemin d’espérance aux enfants accueillis mais aussi à tous ceux qui l’ont aidé et œuvré au sein de l’œuvre.

Par la suite, à travers la guérison miraculeuse de l’enfant qui allait perdre la vue, Camille nous manifeste l’urgence de donner une vision de l’avenir et de l’espérance aux jeunes dès lors que nous en prenions soin et que nous les considérions avec le regard de Jésus.

Que nous soyons au Bocage, dans la cathédrale ou sur le parvis, Camille croise aujourd’hui nos pas. Il vient nous bousculer dans nos habitudes, dans nos conceptions souvent trop étroites. Sa béatification n’est pas simplement l’occasion de célébrer un homme du passé, mais un appel à vivre selon l’Évangile en nous appuyant sur la grâce du Seigneur.

Jésus s’est fait le serviteur de notre humanité. À la suite de Camille, nous sommes invités non pas à mépriser notre humanité mais à en prendre soin, et ce du début à la fin. Le bienheureux Camille nous rappelle que c’est en prenant pleinement soin de notre condition humaine que nous pouvons devenir d’authentiques disciples.

Tous, du plus âgé au plus jeune, posons-nous la question : « qu’est-ce qui m’empêche de voir dans mon prochain celui que Jésus aime, celui pour qui il a donné sa vie ? » Quelles peurs nous empêchent de reconnaître le visage du Christ dans nos frères et sœurs les plus fragiles ?

Dans les grandes ou petites choses, que cette béatification soit source de joie et de grâce pour nous. Que l’exemple du bienheureux Camille nous inspire à vivre l’Évangile non comme un conte de fées, mais comme une réalité qui transforme nos vies.

Et que le Seigneur, par son intercession, nous accorde la grâce de le reconnaître dans les plus petits.

Amen.

19 mai 2025