L’Enfance - La formation
Joanny Thévenoud naît le 14 mars 1878 dans une famille catholique pratiquante de paysans viticulteurs. Il est baptisé à Serrières en Chautagne, scolarisé chez les Frères de la Sainte Famille puis au petit séminaire de Rumilly.
Au cours de son enfance, il côtoie les Sœurs de l’Immaculée Conception, présentes en Chautagne. Très tôt il ressent l’appel à une vie donnée à Dieu et à la mission au loin. Il entre au grand séminaire des Pères Blancs, puis au noviciat en Algérie. Il étudie la théologie à Carthage en Tunisie. Il est ordonné le 28 juin 1903. Il est aussitôt envoyé en mission pour le vaste Soudan français.
Les Pères Blancs
Le cardinal Lavigerie, fondateur de la congrégation des Missionnaires d’Afrique, communément appelés « Pères Blancs », recommandait aux missionnaires « une approche (des peuples africains) pleine de respect et d’admiration (…) Les missionnaires devront s’adapter aux usages des populations rencontrées en ce qui concerne l’habit, le logement, la nourriture et la langue. Une conviction l’habitait : « L’Afrique ne sera évangélisée que par les Africains eux-mêmes, devenus chrétiens et apôtres ».
La Mission et son contexte
Joanny Thévenoud reprend à son compte ces affirmations. Le jeune Père Thévenoud (il a 25 ans) atteint Ouagadougou le 23 novembre 1903.Le pays qu’il découvre est constitué par l’actuel Burkina Faso et le nord du Ghana. Il est composé d’un vaste plateau central, recouvert par la savane. C’est un carrefour de pistes caravanières, ouvert sur le monde par les échanges commerciaux ;L’organisation politique conjugue un pouvoir traditionnel et l’administration coloniale.La société, très hiérarchisée est régie par la chefferie traditionnelle.Sur le plan religieux, c’est la religion traditionnelle qui domine très largement, l’islam est déjà présent.
« Monseigneur Thévenoud regardait avec confiance et optimisme le peuple noir qu’il avait toujours estimé, aimé, pour lui vouloir du bien, le salut, la libération totale. »
L’œuvre économique et sociale
En 46 ans de mission (dont 28 comme évêque), il se bat sur tous les fronts pour la promotion humaine de la population : santé (ouverture de dispensaires), scolarisation (école primaire d’abord, en incitant les parents à y envoyer même les filles), agriculture (il introduit le premier manguier et de nombreuses autres cultures qu’il essaie : teck, vigne, blé, pomme de terre). Il construit le premier barrage. Il lance
l’élevage du mouton mérinos pour la laine, ce qui lui permet de fonder un ouvroir pour les jeunes filles (tapis de haute laine réputés). Il ouvre aussi des ateliers de menuiserie, mécanique, une briqueterie (début de l’industrialisation du pays).
Au point de vue social, il lutte sur le plan
juridique et religieux pour donner à la femme voltaïque ses droits et sa dignité (liberté de choisir son mari, liberté de conscience pour qu’elle puisse se convertir). Il œuvre aussi pour libérer les jeunes d’une grande dépendance à l’égard de traditions qui les empêchent de s’émanciper de la religion traditionnelle. Il ouvre deux orphelinats pour accueillir les esclaves rachetés.
Il doit affronter l’anticléricalisme marqué du colonisateur (loi de 1904).
Naissance et croissance de l’Eglise voltaïque
Dès le début, Joanny Thévenoud s’appuie sur la chefferie traditionnelle. Ce sont les chefs qui, les premiers, lui font confiance et envoient leurs enfants à l’école et acceptent qu’ils soient catéchisés.
Le 15 août 1905, les 10 premiers baptêmes d’adultes sont célébrés : L’Eglise est née.
Par souci d’une foi vraiment enracinée le Catéchuménat dure 4 ans.
Une école cléricale forme les jeunes garçons et permet de discerner ceux qui pourront devenir catéchistes ou les futurs prêtres autochtones.
La première école de formation des catéchistes titulaires est fondée en 1915. C’est sur eux que les Pères pourront compter pour la catéchèse et l’animation des premières communautés chrétiennes dans les villages. « Je sais que la mission ne se développera que par eux » disait Joanny Thévenoud.
En 1922, avec l’aide des Sœurs Blanches (branche féminine des Pères Blancs) comme formatrices, la congrégation des Sœurs de l’Immaculée Conception de Ouagadougou voit le jour, sur le modèle de celle qu’il avait connue en Savoie. L’apostolat qui sera confié à ces futures religieuses est varié : éducation des jeunes filles, catéchèse, écoles ménagères, dispensaires, service paroissial…
« Nous devons faire naître le sacerdoce au sein des populations que nous évangélisons. »
En 1925 le petit séminaire de Pabré ouvre ses portes - en 1933 le grand séminaire
Le 2 mai 1942 le rêve de Mgr Thévenoud devient réalité : il ordonne les trois premiers prêtres de cette jeune Église ; l’un d’eux deviendra le cardinal Paul Zoungrana.
Le 8 avril 1945 c’est l’abbé Dieudonné Yougbaré qui
recevra l’ordination sacerdotale de Mgr Thévenoud.
Il sera en 1956 le premier évêque autochtone de l’Afrique de l’Ouest.
Autre fondation inspirée par la reconnaissance que Joanny Thévenoud a gardée pour ses formateurs:la congrégation des Frères de la Sainte Famille de Ouagadougou, frères enseignants, naît en 1945.
Entre-temps, avec l’ardeur et la confiance qui le caractérisent, Mgr Thévenoud s’est attelé à la tâche de construire une cathédrale à la mesure de ce qu’il voulait pour cette jeune Église, en expansion. Le 19 janvier 1936, elle est consacrée à l’Immaculée Conception. « Tous admirent la grandeur et la beauté de l’édifice et ne tarissent pas d’éloges pour une telle œuvre d’art entreprise en plein cœur de l’Afrique. »
« Que ton règne vienne », sa devise épiscopale traduisait sa raison de vivre et d’agir. « A cette cause, la plus belle de toutes, nous avons, obéissant à la voix de Dieu, consacré notre vie. »